Cette jeune femme se lève, met un peu de musique, triste, se dirige vers le fond de la pièce, disparaît par l’embrasure d’une porte et revient un verre et une bouteille à la main. Elle s’asseoit dans un fauteuil, se recroqueville les bras autour de ses jambes et elle reste là, les yeux dans le vides, bercées par une musique qu’elle seule entend, qu’elle seule comprend… La musique a cette particularité de n’avoir de sens que dans certains moments, et pour certaines personnes… Elle vous emporte dés les premières notes dans un endroit qui n’appartient qu’à vous, elle vous donne des frissons incontrôlables, comme cette jeune femme dans son fauteuil, on est seul… Le cœur emprisonné dans un étau qui se resserre au fil de la chanson, on se dit qu’il vaudrait mieux éteindre, aller se coucher mais on sait que ce sera pire sans la musique, elle donne une origine à la souffrance, à l’absence, sans elle, ne reste que la douleur et les larmes… Je me demande pourquoi celle de cette jeune femme coulent sur ses joues ce soir, je me demande quelle chanson écoute-t-elle pour être ainsi ? Parfois il suffit d’un rien pour faire rejaillir un souvenir, un épisode de notre vie qu’on veut prolonger, rien qu’un instant, se redonner l’illusion que rien n’a changé, on relit un livre, on réécoute une chanson, on revisite un lieu, pourquoi ? parce qu’on espère être à nouveau dans l’état d’esprit que l’on avait alors, d’être avec les personnes avec qui nous étions alors, disparus désormais. La musique permet d’aller plus loin que la mort, elle garde les gens en vie en ravivant les souvenirs… La jeune femme se lève, esquisse quelques pas d’un slow qu’elle danse seule ce soir, puis elle éteint la musique, éteint la lumière et sort de la pièce… La pièce d’à côté s’illumine à son tour et le visage ruisselant de larmes, elle se déshabille, en réprimant des frissons quand par hasard ses mains touchent son corps, elle voudrait que d’autres le fassent, elle voudrait tant ne pas dormir seule dans ce lit, elle voudrait qu’il soit là… mais malheureusement, elle n’a que sa musique et sa solitude ce soir. Elle contourne le lit, vient baisser le store, d’un geste lent, empreint d’une mélancolie infinie, son esprit est ailleurs, quelque part entre deux notes d’une chanson qui la fait pleurer… elle ne veut pas, elle ne veut plus l’entendre dans sa tête et pourtant, comme une drogue, la musique est dans sa tête labourant son esprit de souvenirs, assaillant ses sens de simulacres, et rien ne peut changer ça… Elle soulève les draps et se glisse dans le lit et dans un sanglot, elle éteint la lumière…